Le CEFDEL agit dans un contexte particulier d’un état à la culture socialiste et socialisante qui néanmoins proclame un désir de décentralisation et de promotion de l’initiative privée et locale. L’état sénégalais a davantage libéralisé les activités économiques dans le contexte de plans d’ajustement dans les années 80s sans rééllement changer sa culture socialiste dans son mode de gouvernance des affaires de l’état. Par ailleurs, il s’est résolument inscrit dans un processus irréversible de décentralisation et de démocratisation. L’ACTE III de la décentralisation de 2014, réformant le code 1996 a consacré la communalisation intégrale et sera complétée par la création de pôles régionaux. L’ACTE III organise la démocratie locale au Sénégal en se fondant sur cinq (5) principes : une communalisation intégrale, l’équilibre entre décentralisation et déconcentration, une meilleure répartition des centres de décision dans le cadre des ressources disponibles, un contrôle à postériori aménagé, et l’unité nationale et l’intégrité territoriale.

Dans son esprit originel de responsabilisation des populations, ce modèle d’administration qui s’appuie sur le transfert de neuf (9) domaines de compétences cherche à donner aux autorités et aux élus locaux l’exercice de la prise de décision, mais les moyens qui devaient faciliter ce choix n’ont pas suivi et l’état n’en a pas véritablement les moyens.(*)

Sous les effets conjugués de ressources budgétaires limités de l’état central, de la poussée démographique, et de l’urbanisation croissante, le processus de décentralisation caractérisant le contexte sénégalais est de nos jours confronté à plusieurs problèmes parmi lesquels nous pouvons retenir :

  • Un état fondamentalement socialiste et socialisant dans ses options stratégiques qui se traduisent en un état centralisé et dirigiste dans ses méthodes le rendant lui même dépendant du financement extérieur, de l’endettement, et de la réglementation parfois excessive des initiatives privées pour avoir les moyens de sa politique.
  • Un état sans autonomie monétaire et de change lui donnant peu d’options d’utilisation du levier monétaire pour accompagner les économies locales dans un contexte d’un accès limité des populations au crédit, d’importations excessives, et d’une faible capacité d’exportation.
  • Les ressources des collectivités locales ne permettent pas de financer le développement local marqué par des besoins colossaux d’assainissement, d’infrastructures économiques et sociales adaptées aux besoins des communautés (difficultés d’accès aux services sociaux de base et vétusté des équipements collectifs). Ce constat est général en Afrique où les dépenses des collectivités locales sont faibles et essentiellement consacrées aux frais de fonctionnement et laissent une part marginale à la satisfaction de la demande sociale. Seul l’endettement peut apporter les ressources complémentaires nécessaires mais les possibilités d’emprunt sont elles-mêmes limitées.
  • Le niveau de recouvrement des recettes fiscales encore faible et concentré sur une assiette étroite nationale et locale  explique la faiblesse des budgets des collectivités locales. Les possibilités limitées de recouvrement de recettes fiscales, en retour, découlent du manque de dynamisme de l’économie locale.
  • Conjugué à ce manque de ressources endogènes, est la dépendance du Sénégal vis-à-vis de l’aide extérieure qui l’empêche d’inventer son propre développement afin de renaître et d’assurer la liberté de ses filles et fils. Cette renaissance et cette liberté devront passer par le développement économique, social, et culturel des communautés de base dont la somme permettra de bâtir une nation solide et prospère. En effet, bien que des projets et programmes puissent être élaborés dans certaines communautés de base, la dépendance vis-à-vis des ressources extérieures, de la coopération décentralisée, et des fonds de dotation de l’Etat central, limite l’auto prise en charge des communautés de base.
  • Le management organisationnel et financier des municipalités sénégalaises a été renforcé par la création d’Agences mais les fonds mobilisés dans les circuits de la coopération décentralisée et internationale ne permettent jusqu’ici une bonne prise en charge des priorités des populations administrées. Outre les agences et fonds comme l’ADM (Agence de Développement Municipal) qui procèdent à des audits urbains et financiers dans les municipalités pour glaner le maximum d’informations fiables permettant de sélectionner les communes éligibles à ses prêts soutenus par les bailleurs, le financement du développement local se fait beaucoup plus à travers les institutions de microfinance que par les banques classiques dont l’apport est indispensable à une dynamique réelle de développement.
  • Les constats ci-dessus ont été confirmés par les éditions d’Africités qui ont réuni les principaux acteurs africains du développement et de la gouvernance locale.

C’est dans ce contexte que le CEFDEL constitue une réponse pertinente à la demande locale en ressources pour financer le développement local dans le contexte d’une urbanisation croissante et la promotion des intiatives privées. Il s’agit de créer les conditions du désaissement de l’état central des questions qui seraient mieux gérées par les communes et pôles régionaux et de la promotion de l’initiative privée et de la responsabilité.

A cause de l’urbanisation, l’emission d’un moyen d’échange (une monnaie complémentaire) pour des transactions intracommunautaires permet de mobiliser la monnaie officielle dans un fond d’investissement. Il permet aussi d’octroyer du crédit en monnaie complémentaire (moyen d’échange) qui rend possible aux individus et entreprises de se faire du crédit mutuel sans intermediaire et sans intérêt et sans garantie, et d’avoir une fonds d’investissement en monnaie officielle qui peut les accompagner dans leurs gros investissements en partenariat avec les banques, l’état, et les collectivités locales, et partenaires privés et publics étrangers.

(*) Il s’agit d’une première étape de transfert pour les secteurs suivants : (1) Domaines (2) Environnement et Gestion des Ressources naturelles (3) Santé, Population et Action Sociale (4) Jeunesse, Sports et loisirs (5) Culture (6) Education (7) Planification (8) Aménagement du Territoire (9) Urbanisme et Habitat.