SARR 2024, Par Responsabilité, Si Possible et si Nécessaire !

Les déclarations de candidature à l’élection présidentielle de février 2024 approchent la cinquantaine, et à ce rythme nous aurons plus de 100 candidatures déclarées cherchant des parrains. Clairement, toutes ces candidatures ne peuvent pas avoir de différences fondamentales au vu de ce que nous savons des valeurs qui doivent guider l’engagement politique et des contraintes auxquelles les politiques publiques sont soumises.

A l’élection présidentielle de 2012, nous avions été candidat recalé au Conseil Constitutionnel par le parrainage qui ne s’appliquait alors qu’aux indépendants. Aux élections législatives de 2017, nous avons été tête de liste d’une entité parrainée regroupant des personnalités indépendantes. Le parrainage ne s’appliquait alors qu’aux indépendants qui n’étaient que 2 sur les 47 listes à ces élections, ce qui fait que notre message n’avait pas été audible. Le parrainage que nous avons soutenu pour cette raison, malgré le fait que nous en avions été doublement victimes, a été généralisé en 2019. Ceci s’est traduit en un assèchement du marché des parrains citoyens. Nous n’avions alors pas déposé en doublons les parrains insuffisants que nous avions collectés comme l’ont fait certains candidats qui ont finalement été recalés.

C’est donc tout naturellement que nous avons soutenu le parrainage des élus pour les partis politiques suffisamment représentés à l’Assemblée nationale et dans les collectivités locales, et le parrainage optionnel pour tous les autres. Dans le contexte de la bipolarisation APR-PASTEF ou MACKY-SONKO du champ politique partisan, des candidatures indépendantes ou non alignées sur ces deux lignes partisanes à la notoriété certaine, doivent être justifiées. Si elles sont simplement électoralistes, elles doivent s’aligner à l’un de ces deux blocs avant l’éventualité d’un deuxième tour. C’est la position que devaient tenir tous les membres de la coalition Yewwi Askan Wi vis-à-vis d’Ousmane Sonko qui a été leur leader de fait (Voir Yewwi Askan Wi : Erreur Stratégique de PASTEF).

De notre point de vue, une candidature indépendante ou non alignée sur ces deux blocs doit remplir au moins deux conditions. La condition de premier ordre, et nécessaire, excluant les cas d’inéligibilité, est bien sûr le parrainage d’où le deuxième élément du titre de cette contribution conditionnant une candidature à sa possibilité. Comme nous le disions, l’expérience nous a montré que la réussite du parrainage ne garantit pas le succès électoral ou le passage du filtre de son évaluation, et l’embouteillage de la recherche de parrains dénature sa raison d’être. Ensuite, la condition de second ordre, et suffisante, est l’inexistence d’une offre similaire portée par une personnalité politique à la notoriété supérieure et inégalable d’ici la date de l’élection, d’où le critère de la nécessité dans le titre de cette contribution.

De ce fait, nous nous proposons dans les mois à venir de rencontrer les candidats à la notoriété perceptible qui se sont déclarés et/ou de nous imprégner dans le fond de leur vision. Ces rencontres d’échange nous permettront de déterminer et de clarifier, de part et d’autre, dans quelle mesure leur vision diffère de la nôtre et de celles des camps bipolarisés. Ces consultations pourront éventuellement déboucher sur notre soutien, ou en un soutien de ces candidats à une vision partagée à porter par le candidat remplissant les conditions de premier et de second ordre énoncées.

Le candidat Ousmane Sonko, à la notoriété supérieure et difficilement égalable, sera prioritaire puisqu’il s’est publiquement exprimé sur nos convergences et l’opinion doit comprendre l’essence de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à son endroit et à ses soutiens (voir Soutien à Sonko, OPA sur Yewwi-Wallu). Lui-même pourra éventuellement s’exprimer sur nos divergences résiduelles. Il est également l’autre acteur de la bipolarisation partisane dont la vision par rapport au statu quo à changer doit être épousée ou rejetée par les autres candidats de l’opposition pour que leurs candidatures ne soient pas purement électoralistes. Dans l’éventualité de divergences résiduelles fondamentales, nous espérons qu’il sera candidat ou aura un candidat pour que cette divergence puisse faire l’objet de débat. C’est de ce point de vue qu’une candidature de clarification serait une responsabilité. Si nous n’avons pas de divergence et que sa candidature est empêchée, son soutien sera sollicité. Sollicité, d’abord pour des élections paisibles, et ensuite également par responsabilité pour la présence d’un projet souverainiste de libération du Sénégal, et à travers lui l’Afrique, comme l’avait souhaité Mamadou Dia. Cela dit, nous lui souhaitons d’abord de sortir des griffes de dame justice et en bonne santé.

Enfin, les deux autres cibles prioritaires seront Karim Wade et Khalifa Sall. Pour le premier, ce sera pour le libéralisme véritable auquel nous croyons et que devrait représenter le PDS du futur. Pour le deuxième, ce sera pour la décentralisation à laquelle lui et le peuple des assises nationales croient, mais qui doit être dans la liberté et la démocratie sociale locale pour que la solidarité nationale et locale soient libres.

Ainsi, nous soutiendrons ou porterons une candidature par conviction et par responsabilité. Selon Max Weber, on agit par éthique de conviction lorsque nous agissons sur la base de valeurs quelles que soient les conséquences de ses actes. On agit par éthique de responsabilité lorsqu’on agit sur la base des conséquences souhaitables ou non de ses actes. De ce fait, agir par éthique de responsabilité peut inclure assumer la responsabilité des conséquences dommageables du point de vue des valeurs, par exemple envoyer des soldats à une mort certaine pour les résultats et éviter un pacifisme rigide dommageable, ou encore faire avorter une femme pour sauver sa vie et éviter la mort de l’enfant et de la mère par rigidité morale.

Le Président Macky Sall aurait pu par éthique de responsabilité décider de se présenter à un troisième mandat, s’il juge que le droit le lui permet, et qu’il est le seul à pouvoir faire gagner son camp pour la poursuite du PSE qu’il pense meilleur pour le Sénégal. Il aurait alors endossé les morts dans cette quête qui aurait rencontré une opposition farouche. Il dit avoir choisi l’éthique de conviction, sans pression, car ses valeurs ne lui permettaient pas de se renier et le Sénégal regorge de compétences. Nous pensons cependant que Ousmane Sonko y a joué un rôle. A-t-il aussi été responsable ? Il essaie de l’être en voulant choisir le candidat de son camp à la place du peuple et de ses propres partisans pour le PSE. Il peut aussi dans cette perspective avoir décidé d’éliminer Ousmane Sonko quel qu’en soit le prix, s’appuyant sur des bases objectives (les erreurs de ce dernier) comme il l’avait fait avec Karim Wade et Khalifa Sall qu’il remet dans le jeu sur des bases également objectives (ils ont purgé leurs peines). Ousmane Sonko devra lui aussi s’assurer par conviction et par responsabilité que le projet de libération auquel il dit croire aboutisse sans essayer d’empêcher la tenue d’élections s’il ne peut pas y participer.

Notre conviction est qu’il faut que les protagonistes de la bipolarisation politique, Macky Sall et Ousmane Sonko, comprennent que les Sénégalais veulent que l’application des deux éthiques soient compatibles avec des conséquences non dommageables de leurs actes : c’est-à-dire pas de morts et une compétition électorale sur la base de projets. Il s’agira de juger le PSE et de lui opposer une alternative. Si Ousmane Sonko ne peut pas être candidat, il devrait se satisfaire du fait qu’il a contribué par conviction et par responsabilité à faire en sorte que Macky Sall renonce à une candidature qui aurait causé des morts. Puisque ce n’est pas une affaire personnelle, par conviction et par responsabilité, s’il ne peut pas être candidat, il devra soutenir une candidature pour l’objectif de libération du Sénégal dans la paix.

De ce fait, en parallèle, pour une vision et non un homme, nous chercherons des parrains députés ou chefs de collectivités locales imprégnés des politiques publiques et qui représentent les citoyens qui les ont élus en 2022. Ces élus, notamment les députés dont les mandats seront abrégés par le prochain Président, devraient pouvoir parrainer un candidat sur la base d’une offre non représentée à laquelle ils auront été convaincus. Les maires dont les mandats sont assurés jusqu’en 2027 devraient aussi davantage se soucier de leur réélection sur la base de leur bilan qui sera évalué à mi-mandat de celui du prochain Président, plutôt que sur la base d’une allégeance uniquement partisane. Dans cette perspective, les maires des grandes villes du pays (Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Kaolack, Thiès) épicentres de pôles régionaux de coopération et de dialogue territorial, que nous souhaitons autonomes, seront nos premières cibles. En effet, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, ils sont la clé du succès d’une solution concrète d’inclusion financière, d’autonomie financière, et de relance économique qu’ils peuvent aider à mettre en œuvre (voir Relance Post Covid Endogène : Comment ?).

Nous avons opté pour cette stratégie afin de pouvoir contribuer positivement à la clarification de la voie que le Sénégal empruntera à la croisée des chemins de 2024. Pour nous, il devrait s’agir d’une alternance doctrinale par une convergence autour de notre propre modèle de libéralisme. Ce libéralisme nous ne l’avons véritablement jamais connu, bien que nous soyons passés par les programmes d’ajustement structurel pour des raisons de déséquilibres macroéconomiques. Nous avons baptisé cette vision Libéralisme Patriotique Progressiste.

Liberté, car cette vision compte responsabiliser les Sénégalais et leurs communautés de base pour leur développement dans la liberté économique et la démocratie autour de grandes villes épicentres de pôles régionaux avec un rôle d’accompagnement et d’encadrement de l’État central. Patriotisme, car elle compte, par l’inclusion financière et l’autonomie monétaire, libérer les Sénégalais de l’emprise internationale et garantir les conditions du financement des aspirations de nos petites entreprises pour réaliser la démocratie économique. Progrès, car elle sera pour la diversité culturelle et cultuelle ainsi que des citoyennetés et sera contre le conservatisme du statu quo de la gestion collectiviste, socialisante, et centralisée des 63 dernières années de notre pays, le SYSTÈME. Nous pensons que cette vision peut fédérer les patriotes, la gauche, et les libéraux dans une large convergence idéologique et doctrinale à expliquer aux masses afin de définir un nouveau pouvoir du peuple. La gauche, en particulier, doit opérer une mutation qui consistera à séparer ses valeurs et ses méthodes pour arriver à ses fins, méthodes qui ne doivent pas nécessairement être collectivistes et socialisantes comme par le passé car elles ne nous ont pas réussi. Il s’agira d’un nouveau sens commun, un Rassemblement Pour la Liberté et le Développement, Moom Sa Bopp, Mënël Sa Bopp.

L’élection présidentielle de 2024 sera pour la première fois une élection lors de laquelle les Sénégalais choisiront plutôt que d’éliminer un Président. Dans la mesure où le camp du pouvoir assume son bilan, les Sénégalais pourront juger le bilan et la vision correspondante si le candidat du pouvoir ne la change pas. Cette vision doit être comprise et valablement challengée par ceux qui aspirent à nous diriger. Dans le contexte d’une bipolarisation partisane, les citoyens non partisans et non alignés devront arbitrer en connaissance de cause.

Les élus grands électeurs doivent donc, par responsabilité, utiliser le pouvoir de parrainage qui leur a été donné pour rendre possible, si elle est nécessaire, une candidature consensuelle d’arbitrage, et cette candidature n’est pas nécessairement celle de l’auteur de cette contribution.

Librement

Dr. Abdourahmane Sarr

Président CEFDEL

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp