Politique Monétaire de la BCEAO: Régionale ou Ivoirienne

La BCEAO qui n’a pas touché à son taux de réserves obligatoires depuis 2012 a décidé de le réduire de 5% à 3% suite à sa réunion de politique monétaire de Mars 2017, officiellement une nouvelle fois, pour dynamiser le marché monétaire.

Les réserves obligatoires sont les dépôts que les banques sont tenues de détenir à la BCEAO en pourcentage, essentiellement, des dépôts de la clientèle bancaire. Ces réserves servent d’une part à satisfaire les besoins temporaires de liquidité immédiate de la clientèle bancaire, mais leur constitution obligatoire permet d’autre part à la BCEAO d’influer sur la capacité des banques à octroyer du crédit par création ex nihilo de monnaie.

En effet, s’il faut constituer des réserves sur des dépôts créés ex nihilo et mis à la disposition de la clientèle, les banques n’ayant pas assez de réserves peuvent être contraintes dans leur capacité à créer de la monnaie par le crédit. La réduction du taux de réserves obligatoires permet donc, en principe, aux banques de faire davantage de crédit ou de se prêter davantage entre elles pour pouvoir le faire, surtout dans un contexte où les déficits des états de l’UEMOA financés par le marché régional concurrencent le privé. Malheureusement, comme pour les taux d’intérêt de la BCEAO qui n’influencent pas vraiment les taux des banques dans leur ensemble (revisiter notre contribution de décembre 2016: «Politique de la BCEAO, Monétaire ou Commerciale?), le mécanisme des réserves obligatoires ne fonctionne pas non plus correctement en zone UEMOA.

En effet, les banques de la zone UEMOA ont toujours détenu des dépôts au-delà du nécessaire à la BCEAO pour des raisons qui leur sont propres selon les pays et dans un contexte où les places bancaires sont cloisonnées, les banques ne se prêtant que très peu entre elles. C’est ainsi que jusqu’en 2011, afin de pouvoir influer sur la capacité des banques à faire du crédit, la BCEAO avait une politique de taux de réserves obligatoires différents d’un pays à l’autre. Ces taux étaient par exemple de 7% et 5% au Sénégal et en Côte d’Ivoire respectivement, pour des réserves effectivement détenues de plus 10% dans les deux pays.

En 2011, la BCEAO a décidé d’harmoniser les taux dans toute l’UEMOA en les alignant sur un taux de 7% puis à 5% en 2012. Cette réduction a permis à toutes les banques de l’UEMOA bien que détenant toujours des réserves au-delà du nécessaire, d’avoir une capacité accrue à financer la zone, principalement la Côte d’Ivoire. Nous avons déjà expliqué dans notre contribution ci-dessus mentionnée, comment la BCEAO a facilité l’utilisation par les banques de ces réserves excédentaires pour financer les états en refinançant les titres correspondants ainsi que les raisons de son activisme soudain. La réduction du taux de réserves obligatoires de 5% à 3% aura le même effet sur le financement des états et servira beaucoup moins à dynamiser le marché interbancaire.

En effet, selon la presse d’investigation, l’augmentation du taux d’intérêt de son guichet permanent de refinancement avec une limitation d’accès concomitante n’a pas plu au principal bénéficiaire qui est la Côte d’Ivoire. Si les banques n’arrivent plus à refinancer autant de titres d’état à la BCEAO, elles vont moins financer les états quand ces titres vont arriver à échéance à moins de devoir constituer moins de réserves à la BCEAO.  On pourrait soutenir que dans la mesure où les banques détenaient des réserves au-delà des 5% requis, une réduction à 3% ne devrait en principe pas avoir d’impact sur elles.

Cependant, puisque les banques avaient investi leurs excédents dans des titres d’états que la banque centrale avait refinancés, les dépôts qu’elles ont à la BCEAO pour des raisons qui leur sont propres dépendent du volume de refinancement renouvelé par la BCEAO.  A défaut d’avoir accès à ce guichet à leur gré, les banques vont devoir réduire leur souscription aux titres d’état, ce qui ne plait pas à la Côte d’Ivoire principalement. C’est de ce point de vue que la réduction du taux de réserves obligatoires permettra aux banques de continuer à soutenir les déficits budgétaires excessifs des états, au premier chef la Côte d’Ivoire.

La politique décidée par la BCEAO est-elle alors régionale ou ivoirienne? Il nous semble qu’entre décembre 2016 et mars 2017, la politique de la BCEAO est devenue à la fois commerciale et ivoirienne mais aussi restrictive par les taux d’intérêt alors qu’elle l’a annoncée accommodante, ensuite accommodante pour les réserves obligatoires alors qu’elle ne l’a pas annoncé comme telle.

A quel saint se vouer? Le FMI dans le communiqué de sa mission de février 2017 nous dit que la politique de la BCEAO est devenue plus restrictive, et qu’elle devrait se tenir prête à l’être davantage pour plus de prudence de la part des banques dans leur politique de crédit et pour préserver nos réserves de change au vu de l’impact des déficits budgétaires sur la balance des paiements de l’union. Il est devenu urgent d’améliorer la transparence des décisions de la BCEAO et d’avoir une politique monétaire régionale par la réforme du régime du FCFA sinon l’austérité va primer ou nos réserves de change dilapidées.

 

Dr. Abdourahmane SARR

President CEFDEL/MRLD