Franc CFA : Carlos Lopes et Abdourahmane Sarr réagissent aux propositions de DSK

Le Bissau-guinéen Carlos Lopes, ancien secrétaire de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, et le Sénégalais Abdourahmane Sarr, ancien du FMI, réagissent pour Jeune Afrique aux propositions de Dominique Strauss-Khan sur la réforme du franc CFA.

Le 13 avril, Dominique Strauss-Kahn a publié une note dans laquelle il avance plusieurs propositions de réforme de la zone CFA. Parmi les pistes proposées par l’ancien directeur général du FMI, la réattribution des sièges de la France au sein des instances des banques centrales africaines à des administrateurs internationaux indépendants, l’ancrage à un panier de monnaie plutôt qu’à l’euro, une meilleure coordination économique des économies de la région et un processus d’élargissement de l’Uemoa, notamment au Ghana.

Carlos Lopes : politique monétaire et convergence 

Pour Carlos Lopes, l’ancien secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique entre 2012 et 2016, les débats sur le franc CFA étaient jusqu’ici très « polarisés »  entre les camps du maintient et ceux favorable à sa « suppression ».

« L’appropriation par la rue de cette question », et la montée d’une vision « populiste » parfois « faussée », a obligé ces deux positions opposées « à réfléchir sur des propositions de réforme », l’évolution du système devenant nécessaire, estime Carlos Lopes, qui enseigne désormais l’économie à l’université du Cap.

Les propositions récentes de Dominique Strauss-Kahn sont significatives, car elles émanent de quelqu’un qui était au cœur du dispositif lors de son passage au ministère français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie entre 1997 et 1999. Pour Lopes, elles témoignent donc d’une évolution du consensus sur ces questions.

Selon l’économiste Bissau-guinéen, une éventuelle réforme de la zone CFA doit intégrer trois composantes essentielles.

La première est celle de la monnaie de référence. Comme l’Europe n’est plus le principal partenaire commercial des zones BCEAO et BEAC, « l’ancrage du franc CFA devrait évoluer vers un panier de devise, reflétant davantage des échanges internationaux de la région, et notamment le poids accru de la Chine ».

IL N’Y A PAS, VÉRITABLEMENT, DE POLITIQUE MONÉTAIRE

Second « point important » : « la convergence économique », explique Carlos Lopes. Les critères de convergence sont différents entre les différentes organisations régionales – à l’image, par exemple, de l’Uemoa, de la Cedeao et de la Zmoa en Afrique de l’Ouest -, tandis que l’intégration économique réelle est très faible.

Enfin, « il n’y a pas, véritablement, de politique monétaire », à part celle de la BCE. Les banques centrales ne jouent pas un rôle pro-actif, ne participant pas suffisamment au financement et au développement des économies de la zone.

Carlos Lopes semble donc plutôt en ligne avec les propositions de réformes portées par Dominique Strauss-Kahn. La mise en œuvre de ces changements doit se faire de manière progressive, afin d’éviter une dévaluation brutale, telle que celle subie dans les années 1990, détaille ce spécialiste du développement international.

Ces changements doivent permettre in fine aux pays africains de reprendre le contrôle de leur monnaie afin qu’ils puissent l’utiliser comme un instrument de développement.

Abdourahmane Sarr : autonomie des banques centrales

La position d’Abdourahmane Sarr est plus critique par rapport aux réformes proposées par Dominique Strauss-Kahn. Ce spécialiste des questions monétaires a travaillé pendant 14 ans pour le FMI, notamment en tant que représentant résident au Bénin et au Togo, avant de fonder le Centre d’étude pour le financement du développement local, un think tank sénégalais.

« Toute personne raisonnable considère que modifier le fonctionnement de la zone CFA est nécessaire » s’exclame Abdourahmane Sarr. « Le plus important est l’autonomie d’objectif pour les banques centrales », détaille l’ancien économiste du FMI.

Elles doivent, selon lui, pouvoir réagir et ajuster le régime de change sans avoir à en référer aux politiques, comme le fait notamment la Banque centrale européenne. « Dans le cas de la Cemac, une dévaluation du franc CFA dès 2014 aurait pu aider les économies à s’ajuster à une baisse durable du prix du pétrole » explique-t-il.

IL FAUT RESPONSABILISER LES INSTITUTIONS ET LEUR DONNER DAVANTAGE D’AUTONOMIE

Cet économiste considère qu’il n’y a pas besoins d’experts internationaux dans les banques centrales de la zone CFA, comme le défend DSK. « Il faut responsabiliser les institutions et leur donner davantage d’autonomie » poursuit-il.

La proposition d’un ancrage du franc CFA à un panier de devise ne trouve pas davantage grâce à ses yeux. Pour, lui il faudrait « un régime de change stable ajustable, mais sans garantie extérieure aucune. La formule pourra conjoncturellement produire ce qu’un panier de monnaie aurait dicté », explique ce partisan de la fin de la garantie française.

« Avec un objectif de stabilité des prix clair et une autonomie d’objectif sur le taux de change, toutes les formules sont possibles dans une gestion dynamique et responsable », assure-t-il.

Enfin, il juge irréaliste la perspective d’une entrée du Ghana dans l’Uemoa : « Le Ghana a déjà mieux à faire pour stabiliser sa situation macroéconomique que d’entrer dans une zone monétaire où l’absence de convergence va exiger un régime de change relativement fixe et commun à tous, qui ne correspondrait pas à ses besoins du moment ».

Pour Abdourahmane Sarr, il faut également « renforcer la gouvernance et rendre la communication plus transparente, comme le fait la Banque centrale européenne, s’exprimant régulièrement sur ses décisions de politique monétaire ». Et de conclure : « L’arrangement monétaire qu’il nous faut doit être un arrangement qui favorise à la fois les investissements directs étrangers et les entreprises locales. »

FCFA : Les Propositions Irrecevables de Dominique Strauss-Kahn

Nous devons remercier Dominique Strauss-Khan pour s’être invité au débat sur le FCFA, notre monnaie, avec des propositions irrecevables pour la jeunesse africaine qui compte prendre son destin en main en se responsabilisant exclusivement. Le remercier car il s’agit là d’un ancien Ministre de l’Economie et des Finances de la France, ancien Directeur Général du Fonds Monétaire International, et naguère potentiel candidat à la Présidence de la République Française. La note qu’il a produite a l’avantage de dépassionner le débat et d’en clarifier les enjeux véritables aux plans politique et économique. Comme il l’a lui-même dit « une forme d’heure de vérité a sonné pour la coopération monétaire avec l’Afrique…et il est devenu urgent de moderniser la Zone franc pour la préparer aux perspectives économiques et démographiques du continent…». De ce fait, aucun décideur responsable ne doit accepter le statu quo et la discussion sur les enjeux doit être transparente et démocratique. En effet, nous avons un problème de leadership politique propre.

Oui Monsieur Strauss-Khan, le FCFA est bien notre monnaie. Il n’a pas besoin de s’émanciper car son émancipation est déjà réelle. Les mouvements de capitaux ne sont effectivement pas libres vis-à-vis de l’extérieur, nous pouvons produire le FCFA là où on veut, et changer son nom quand on veut ce qui n’est effectivement pas essentiel. Le FCFA est géré par la BCEAO en ce qui nous concerne avec des réserves déposées en partie au trésor français pour les besoins de la garantie qui dans les faits n’a plus aucune forme d’importance au-delà du fait qu’elle nous a obligé et permis d’apprendre à travailler ensemble. La France a joué pour nous avec le FMI le rôle d’un Etat fédéral que nous n’avions plus /1.  Pour l’essentiel, nos banques centrales gèrent seules et font leurs erreurs seules dans le cadre de la fixité du taux de change et du mandat qui leur est donné par les décideurs politiques. La présence de représentants français dans les organes de gouvernance n’est effectivement qu’un privilège d’accès à l’information qui devrait être publique dans le cadre d’une gouvernance plus transparente avec des officiels aux mandats sécurisés et plus longs que ceux des politiques qui les nomment.

La responsabilisation de nos banques centrales doit se faire en leur donnant une autonomie d’objectif sur le taux de change pour accompagner l’autonomie sur leurs instruments dont elles jouissent déjà.  De ce dernier point de vue, il faut éviter de leur faire porter des camisoles de force dans leur politique monétaire et de refinancement en particulier malgré l’usage récent que la BCEAO en a fait en finançant indirectement les déficits des états (surtout la Côte d’Ivoire) ce qui nous a fait perdre des réserves de change et incité à un endettement extérieur volontaire et/ou nécessaire qui corrigera. Avec un objectif de stabilité des prix clair et une autonomie d’objectif sur le taux de change, toutes les formules sont possibles dans une gestion dynamique et responsable. Il s’agirait effectivement « d’un régime de change stable ajustable » mais sans garantie extérieure aucune. La formule pourra conjoncturellement produire ce qu’un panier de monnaie aurait dicté, mais nos banques centrales seraient seules à en décider sans la présence de quelconques représentants d’instances européennes ou internationales ou d’administrateurs indépendants dans leurs organes de gouvernance. Nous ferions ainsi ce que le Maroc a fait récemment et que le FMI lui recommandait depuis 2002 quand j’étais moi-même économiste principal pour le Maroc.

Par ailleurs, l’UEMOA n’a pas besoin d’intégrer le Ghana dans son ensemble qui n’a pas encore réalisé sa convergence. Le Ghana a déjà mieux à faire pour stabiliser sa situation macroéconomique que d’entrer dans une zone monétaire où l’absence de convergence va exiger un régime de change relativement fixe et commun à tous et qui ne correspondrait pas à ses besoins du moment. Comme le Nigéria que Monsieur Strauss-Khan exclut de l’extension de la zone qu’il propose pour des raisons objectives de besoin d’ajustement propre, et à supposer que la convergence soit effective dans la zone UEMOA, le Ghana se retrouverait avec les mêmes contraintes que les pays de l’Europe dans l’euro. C’est-à-dire sans un levier monétaire qui lui permettrait d’accompagner son propre développement au vu de l’absence d’une entité politique fédérale qui le ferait avec une politique budgétaire commune. C’est ce que Monsieur Macron essaie d’obtenir en Europe. La convergence totale comme dans une fédération comme les Etats-Unis étant ainsi un objectif difficile à atteindre même en Europe, toute monnaie commune doit avoir ses compléments nationaux nous y reviendrons plus loin.

Pour réaliser la vision d’une banque centrale jouissant d’une autonomie d’objectifs et d’instruments, tout ce dont nous avons besoin c’est d’éliminer la garantie française qui n’existe que de nom, de déposer nos réserves de change où bon nous semble, renforcer la gouvernance de notre banque centrale ainsi que sa transparence en matière de politique monétaire et de change.  Nous n’aurons ainsi besoin d’aucune forme de relation organisée avec les pays de la zone euro et la banque centrale européenne qui serait si particulière à se rapprocher d’un néocolonialisme qui ne dirait pas son nom.

L’arrangement monétaire qu’il nous faut doit être un arrangement qui favorise à la fois les investissements directs étrangers et les entreprises locales. De ce point de vue, aux côtés d’une monnaie commune stable et ajustable, il nous faut des monnaies nationales complémentaires.  Nationales complémentaires comme le FCFA l’a été quand il était géré par une simple banque commerciale en mesure de créer de la monnaie en multiple de ses réserves de change en Franc français avec un taux de change non unitaire assorti d’une garantie théorique illimitée qui en a fait une monnaie figée.

La création de banques centrales en Zone franc n’a pas changé cette réalité du point de vue de la France en autant qu’elle a elle-même défendu devant les instances européennes que le FCFA est un arrangement budgétaire et non monétaire. Le FCFA était une monnaie fédérale complémentaire au Franc français mais ne l’est plus comme nous l’avons indiqué plus haut.1/ La garantie est devenue sans importance et le FCFA est bel et bien notre monnaie et nous pouvons en sortir quand on veut sans l’aval de l’Europe en n’exigeant plus de garantie. Nous pouvons cependant en tirer des leçons historiques en mettant en œuvre aux côtés d’une monnaie commune souveraine des compléments nationaux citoyens institutionalisés et uniques permettant une flexibilité dans l’espace plus diversifiée comme vous le suggérez pour la CEMAC vis-à-vis de l’UEMOA. Ces compléments nationaux citoyens émis en échange de la monnaie commune épargnée donneraient des options dans chaque pays sur les réserves de change comme pour le fonds souverain en période grasse (l’épargne excédentaire) que Monsieur Strauss-Khan a suggéré. Nous montrerions ainsi la voie à la zone euro qui elle-même n’arrive pas à trouver la solution à ce problème de diversité dans l’espace dans le contexte d’une monnaie unique. La coopération monétaire unique au monde qu’a été le FCFA comme la caractérise Monsieur Strauss-Kahn offrirait ainsi une solution unique au monde venant de l’Afrique. 2/

Dr. Abdourahmane SARR

Président CEFDEL

1/ https://www.loretlargent.info/monnaie/reforme-fcfa-monnaiescomplementaires/18965/

2/ http://www.economonitor.com/blog/2011/07/greece-can-devalue-and-stay-in-the-euro/

 

Eurobonds: Le Sénégal et la Côte d’Ivoire au Secours de la BCEAO et des Banques

Lors de nos récentes contributions concernant notre politique monétaire, nous disions que cette dernière a consisté ces dernières années à financer le déficit budgétaire de nos états par le biais du refinancement à la BCEAO de titres d’états achetés par les banques en partie avec leurs liquidités excédentaires. Cette politique dans le contexte d’un FCFA arrimé à l’euro et surévalué a financé des déficits commerciaux qui nous ont fait perdre beaucoup de réserves de change que la BCEAO est entrain de reconstituer. Cette reconstitution l’oblige à réduire le volume de refinancement des titres détenus par les banques qui en retour ne peuvent pas renouveler certains titres d’états arrivés à échéance afin de reconstituer leur trésorerie propre. Il résulte de cette cascade de non renouvellement un marché des capitaux tendu où les états n’arrivent pas à lever les fonds nécessaires pour non seulement refinancer des dettes arrivées à échéance mais aussi pour financer leurs déficits budgétaires courants. Ces déficits sont par ailleurs en ajustement car ils ont financé des politiques de croissance soutenue par les investissements publics qui ont accéléré notre endettement et retardé la convergence macroéconomique qui pourrait nous permettre une politique monétaire commune sans arrimage sur l’euro. Il en découle encore une fois une nécessité de s’endetter à l’extérieur de l’union et malheureusement en devises, les investisseurs préférant nous prêter en devises au vu de notre régime de change fixe qui peut changer à tout moment par surprise.

 

C’est dans ce contexte qu’il faut situer les sorties sur le marché international en dollars et en euros du couple Sénégalo-Ivoirien leaders de l’UEMOA pour des montants exceptionnels et bien au-delà des exigences de financement de leurs déficits budgétaires. Ils l’ont fait pour venir en soutien aux réserves de la BCEAO d’une part mais aussi au marché régional incapable de refinancer, aux niveaux souhaités, les titres qui arriveront à échéance.

Dans la mesure où nous ne sommes pas arrimés au dollar et que nos états ont maintes fois réaffirmé leur ancrage à l’euro via le trésor français, la levée de fonds directement en euros pour se substituer à un marché de FCFAs qui de fait sont des euros est à saluer. Il réduit le risque de change de notre portefeuille de dette si notre arrimage reste en l’état et diversifie la base de nos investisseurs.

De ce dernier point de vue, les autorités sénégalaises et ivoiriennes sont à féliciter mais leur prochain challenge devra être d’attirer ces investisseurs dans le marché régional et en monnaie locale pour financer leurs économies.

Cette monnaie locale ne peut pas être le franc CFA en l’état car les investisseurs n’auraient pas intérêt à prendre le risque sur un FCFA figé qui peut être dévalué par surprise.  Après avoir corrigé les erreurs de la BCEAO qui pour reconstituer ses réserves de change est dans une hibernation salutaire puisqu’étant à la remorque du rythme des ajustements budgétaires et des positions de liquidité des banques dans sa politique de refinancement, il faudra lui donner une autonomie d’objectif sur un FCFA réformé.  Cela lui permettra de reprendre du service avec une politique monétaire active et permettre à la base d’investisseurs non-résidents récemment découverts de venir directement dans le marché local.  Ceci ne devrait pas se faire sans une réforme de la gouvernance de la BCEAO avec un collège de gouverneurs nationaux.  A défaut, le Sénégal futur pays pétrolier et gazier et une démocratie stable, n’aura de choix que la souveraineté totale s’il devait avoir le courage de se développer ayant déjà les cartes en main.

Cette souveraineté totale est préférable à l’endettement extérieur et en euros car notre capacité d’endettement est devenue plus grande avec les ressources pétrolières en perspective et les investisseurs seront prompts à nous prêter en euros sur le long terme (30 ans) pour davantage nous ferrer à coup de milliards d’euros par émission.  Les souscriptions de 10 milliards d’euros lors de notre récente sortie le prouvent. Ces ressources sortiront du pays pour l’Europe si nous ne décrochons pas de l’euro. Elles sortiront soit par le biais d’entreprises installées dans notre marché ou par les importations.  Il ne faut donc pas s’étonner que tout le monde frappe à la porte. Notre salut est dans une réforme monétaire pour avoir la flexibilité d’accompagner notre développement sinon le peuple sera encore une fois laissé en rade.

Dr. Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD

8/03/2018

La nouvelle vision déclinée par le Premier Ministre remplace celle du PSE

La nouvelle déclaration de politique générale du Premier Ministre ne s’inscrit pas dans la continuité mais consacre effectivement une quatrième et dernière vision du Président de la République qui va néanmoins dans le bon sens. Au vu de la situation macroéconomique, il ne s’agit pas simplement d’une vision électoraliste mais d’un changement de cap qualifié «d’inclinaison sociale» du PSE, et baptisé un « Sénégal de tous, un Sénégal pour tous ». Nous aurions préféré «Un Sénégal où chaque citoyen ou communauté de citoyens prend son destin en main ». Cependant, comme nous le disions au sortir des législatives, le peuple semble le vouloir mais sous le leadership de l’état. Notre état socialiste et socialisant adapté à cette volonté l’a présentée de la manière suivante dans la déclaration de politique générale: «Un Sénégal sans exclusion, où tous les citoyens bénéficient des mêmes chances et des mêmes opportunités pour réaliser leur potentiel et prendre en main leur destin».

Dans ces conditions, il se comprend aussi que dans la forme, qui n’est pas notre préférence, que la réunion conjointe avec les bailleurs se soit tenue la veille de la déclaration de politique générale. Notre équilibre budgétaire dépend encore effectivement de l’extérieur en attendant les ressources pétrolières et gazières.

Nous disions dans nos commentaires sur le dernier message à la nation du Président de la République qu’il semblait s’être rendu compte que sa troisième vision, celle essentielle du PSE, de «transformation structurelle par le choix et l’appui judicieux de secteurs économiques potentiellement porteurs de croissance, notamment l’agriculture, pour financer des objectifs sociaux» n’était pas la bonne et que celle d’un Sénégal inclusif et solidaire est ce que le gouvernement était en mesure de réaliser, y compris par l’agriculture. Cela est d’autant plus vrai que la lenteur dans l’ajustement budgétaire qui était en cours et en réalité stoppé en 2014 afin de mener une politique de croissance sous le leadership de l’état nous a inefficacement endetté. Cet endettement, comme sous le régime précédent, a soutenu la croissance du secteur tertiaire en y injectant de la liquidité de façon insoutenable, mais cette fois-ci dans le contexte d’un environnement international favorable. De ce fait, notre commentaire de 2014 s’est confirmé. Il postulait que «si le Plan Sénégal Emergent dans son volet transformation structurelle et industrialisation est mis en œuvre à court terme, nous risquons de gaspiller nos ressources publiques et nos capacités d’endettement que nous devrions orienter à court terme vers les secteurs sociaux ». La transformation structurelle n’est pas effective et n’est pas suffisamment amorcée pour justifier une inclinaison sociale, mais le social doit prendre le dessus car il est seul adapté au contexte.

Par ailleurs, notre commentaire disant que la transformation structurelle de l’économie sénégalaise ne se fera pas sous le leadership et l’impulsion de l’Etat mais bien celui du secteur privé national appuyé, est confirmé par l’état qui demande au secteur privé de prendre son relais. Ce dernier ne le peut malheureusement pas, nous le disions, car notre monnaie est surévaluée et le secteur financier est incapable de porter l’industrialisation par le privé national en l’état actuel des choses. Ceci du fait de l’absence de ressources longues, de leviers adéquats pour financer les PMEs, et d’une stratégie d’endettement public adaptée. L’endettement par les ressources extérieures mêmes concessionnelles n’est pas adapté à cause des vulnérabilités qu’il crée et qui  vont nous empêcher d’oser reformer notre monnaie si cette dernière devait se dévaluer. Aussi, l’articulation nécessaire entre la caisse de dépôts et consignations, le FONSIS, le FONGIP, la BNDE, et le système bancaire classique pour avoir l’effet de levier nécessaire n’est pas encore trouvée.

Nous disions enfin que lorsque «les conditions d’un leadership d’état ne sont pas réunies, c’est à dire :(i) un environnement macroéconomique et financier propice (ii) la capacité de faciliter la découverte de nouveaux secteurs qu’on choisira d’appuyer au vu de ressources publiques limitées et (iii) une capacité de l’Etat à corriger les insuffisances du marché et surtout à éviter d’être capturé par des lobbys, des créanciers intéressés, et un bétail politique, la neutralité de l’action publique est plus que souhaitable. L’Etat devra plutôt s’occuper essentiellement de pourvoir des services publics essentiels, notamment de base (eau, électricité, assainissement, éducation, formation, santé, infrastructures de base et cadre de vie), et un environnement des affaires adéquat et neutre, bref tout ce qui manque au Sénégal ».

Nous apprécions donc positivement la déclaration de politique générale du Premier Ministre. Nous lui disons qu’il reste, de notre point de vue, deux éléments fondamentaux qu’il faut au peuple sénégalais s’il veut démontrer le courage de se développer et prendre son destin en main: (i) une autonomie monétaire sénégalaise dans le sens d’un Brexit si la gouvernance de la BCEAO n’est pas réformée et (ii) une décentralisation autonomisante et responsabilisante dans le cadre de pôles régionaux ayant comme ancrage la dynamique d’urbanisation dans leurs périmètres respectifs.

Les infrastructures de connectivité locale vont ainsi dans le bons sens mais le refus de discuter publiquement de notre régime monétaire ne l’est pas. Lorsqu’on ne peut pas exporter des biens et services, on se retrouve obligé d’exporter des êtres humains, c’est-à-dire notre jeunesse éduquée ou non, formée ou non pour tenir l’équilibre de notre balance des paiements.  Les transferts de migrants qui se substituent ainsi à des recettes d’exportations ainsi que les fonds d’entreprenariat ne pourront pas favoriser des emplois locaux car ils resteront des filets sociaux qui ne feront qu’alimenter les importations.

Dr. Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp.

06/12/2017

Crise Yavuz Selim: Une Opportunité pour l’école sénégalaise

L’expérience de l’école Yavuz Selim où enseignants et parents d’élèves ne veulent pas que l’état se mêle de la gestion de leur école sponsorisée par une fondation turque pourrait être une opportunité pour la réforme de l’école sénégalaise dans les valeurs d’autonomie et de responsabilité. Le refus d’être sous administration provisoire et la contreproposition de rachat des parts de la fondation turque et/ou de celles de son représentant français par des privés sénégalais nous ouvrent la possibilité d’une troisième voie de compromis:  La nationalisation des parts de la fondation turque et le transfert irrévocable des droits de vote correspondants aux parents d’élèves, le maintien de l’autonomie de gestion de ces écoles, et leur rebaptisation pour en faire des écoles d’excellence, d’enracinement, et d’ouverture.

En effet, nous avions proposé lors des législatives passées que les parents d’élèves sénégalais soient exclusivement responsabilisés dans la gestion de l’école publique au sein de conseils d’administration avec la possibilité qu’ils soient appuyés par des cabinets privés. Ces conseils d’administration nommeraient des directeurs responsables devant les conseils et ces derniers recruteraient des enseignants responsables devant eux avec des obligations de résultats. L’état, en retour, viendrait en soutien financier, consultatif, et normatif minimum. L’état ne serait plus comptable des résultats des établissements ainsi responsabilisés mais son soutien financier sera conditionné. Les enseignants ne seraient plus des fonctionnaires de l’état et auront la possibilité d’être mieux rémunérés en fonction des ressources de l’école qui pourraient venir de divers horizons.

L’état pourrait ainsi transformer les écoles publiques sénégalaises en sociétés anonymes et transférer ses parts non transférables à des tiers aux parents d’élèves. L’état pourrait également, en fonction du niveau de revenus des parents d’élèves, et des localités géographiques, moduler sa subvention pour assurer une certaine équité.  Les bailleurs extérieurs se mêleraient alors moins de la gestion de l’école sénégalaise et feront face à une diversité d’écoles responsabilisées et autonomes qui pourront s’émuler.

Nous sommes donc pour que l’état subventionne le réseau Yavuz Selim annuellement à hauteur de l’appui qu’apportait la fondation turque sur la base de leur plan actuel d’école qui sera mis à jour de façon autonome par le conseil d’administration. Dans la mesure où les parents contribuaient déjà aux ressources financières des écoles concernées, l’état pourra se servir de ce modèle pour reformer les écoles publiques et sa relation avec le corps enseignant et les parents d’élèves.

Il faut savoir saisir les opportunités pour mettre en œuvre des réformes qui autrement auraient été difficiles. La localisation géographique des écoles Yavuz Selim dans des épicentres de pôles régionaux différents (Dakar, Thiès, Kaolack, Ziguinchor, etc…) leur permettra également d’être des exemples dans leurs localités respectives. Le modèle de gouvernance que nous proposons pourrait également permettre d’attirer des investisseurs privés dans l’école sénégalaise et améliorer sa qualité dans le respect des valeurs d’autonomie, de liberté, de responsabilité, et de libre solidarité.

Dr Abdourahmane SARR

Président CEFDEL/MRLD

09/10/2017

Sortie Ratée du Gouverneur Koné sur RFI

Le Gouverneur de la BCEAO accompagné de son staff en charge des questions dont il devait lui-même nous parler, a décidé de s’exprimer sur notre monnaie, le FCFA, à travers la chaine Radio France Internationale. Oui, il s’agit bien de notre monnaie dont nous devons enlever la France de la gestion en éliminant les comptes d’opérations. Mais ce n’est pas le sujet de la contribution de ce jour, le Directeur National du Sénégal ayant déjà épuisé la plupart des questions. Nous voulions qu’il nous parle de sa gestion.

Le Gouverneur nous dit que la stabilité des prix est essentielle. Nous sommes d’accord mais la stabilité des prix en zone UEMOA ne dépend pas de la BCEAO. Ce qui est demandé à la BCEAO, c’est d’administrer notre émission monétaire de sorte que l’inflation d’origine monétaire constatée en zone euro soit la même qu’en zone FCFA. Cette administration veut dire ne rien faire d’elle-même à part s’assurer que nous avons une bonne couverture par nos réserves de change d’un certain niveau de nos importations. Ceci, parce que si les prix en zone FCFA de biens importables devaient être plus élevés qu’en zone euro, les citoyens importeraient ces biens au taux de change fixe que la BCEAO assure. L’impact serait des fuites de devises et un retour des prix au niveau équivalent en Europe, ce qui fait que ces écarts de prix à cause de l’inflation n’arrivent pas. La variable de couverture minimum de notre émission monétaire par les réserves de change est quant à elle impertinente bien que figurant dans les accords monétaires. Cette dernière variable n’a de pertinence que si la garantie de convertibilité par la France des FCFA émis devait intervenir, ce qui ne peut arriver qu’exceptionnellement, et nous n’en avons pas besoin. L’existence des comptes d’opérations peut répondre d’autres considérations politiques et de financement budgétaire net de nos états par la France, et hors budget et bilan quelle que soit la taille de son économie et de la petitesse de la goutte d’eau de nos réserves, qu’on n’abordera pas ici.

Le sujet qui nous préoccupe est la gestion par Monsieur le Gouverneur de ce que nous lui avons confié. Un proverbe de chez nous dit « qui parle se dévoile». Monsieur le Gouverneur nous dit d’une part que la baisse relative de nos réserves de change (et nous ne parlons pas de la zone CEMAC) est due à la baisse des cours des matières premières et d’autre part que le rôle de la BCEAO est la structuration du financement de l’économie à travers les banques. Non Monsieur le Gouverneur, la baisse tendancielle en couverture d’importations par nos réserves de change est antérieure à la baisse du cours de certaines matières premières. La baisse des cours du pétrole nous a même été bénéfique en zone UEMOA. Nos réserves avaient baissé (en couverture) à cause de votre seconde assertion qui consiste à dire que votre rôle est la structuration du financement de l’économie à travers les banques. C’est cette erreur dans la compréhension de votre rôle dans les contraintes actuelles du régime du FCFA, qui vous a amené à financer les déficits budgétaires excessifs des états, notamment la Côte d’Ivoire, à travers les banques et qui nous a valu des importions excessives et des pertes en couverture de réserves de change. La correction de cette erreur va nous valoir à présent un endettement extérieur en devises car les états ont des déficits budgétaires encore trop élevés qu’ils ont en partie eu l’habitude de financer chez vous et vous avez maintenant besoin de reconstituer vos réserves.

En effet, beaucoup d’analystes ne se sont pas rendu compte que la BCEAO a fait sienne l’injonction de François Hollande de 2013 nous disant: «pourquoi ne réfléchirions nous pas à l’utilisation de vos réserves de change pour financer le développement?». Oui, les réserves de change ont déjà leur contrepartie dans l’économie, mais la BCEAO a accommodé leur utilisation à travers le refinancement de titres d’états achetés par les banques pour financer les déficits budgétaires, ce qui a permis aux états d’avoir accès aux réserves de change en question. La suggestion de François Hollande, Abdoulaye Wade avant lui, Alassane Ouattara peut être après eux, n’était pas à suivre d’où la nécessité d’une réforme de la gouvernance institutionnelle de la BCEAO. Il nous faut un collège de gouverneurs nationaux avec droit de vote. En effet, il est difficile de voter valablement sur une matière qu’on ne suit pas au jour le jour.

En somme, Monsieur le Gouverneur, en matière de politique monétaire, nous vous demandons dans le cadre actuel de votre mission, de vous occuper de l’émission monétaire du FCFA et du suivi de la couverture en réserves de change suffisantes de nos importations, rien d’autre. Ce que vous pensez être votre rôle de financement ne sera possible que lorsque nous aurons réussi à nous libérer du caractère figé de notre monnaie et qu’on vous aura donné une autonomie d’objectif sur notre taux de change.  Cette autonomie d’objectif sur le taux de change, nous vous la souhaitons de tout cœur ainsi qu’à votre staff de haute compétence pour que vous puissiez l’utiliser tout en nous garantissant la stabilité des prix. Mais en attendant que le combat pour la libération du FCFA aboutisse, nous vous demandons de mieux vous concentrer au volant et de ne répondre à aucune injonction, ni de la France, ni de nos états.

Dr Abdourahmane SARR

Président CEFDEL/MRLD

02/10/2017

La BCEAO accepte son statut de remorque

Nous nous réjouissons que le FCFA ait été au-devant de l’actualité ces dernières semaines bien que sous un angle qui ne sert pas la cause d’une réforme de sa gouvernance pour laquelle nous nous exprimons depuis un temps. Les activistes ont cependant joué leur rôle car ils ont réussi à faire sortir la BCEAO de sa réserve par le biais d’un Directeur National pour clarifier certaines questions sur nos réserves de change, la gouvernance de la BCEAO, le compte d’opérations, et l’impression de notre monnaie qui obscurcissent le débat.  La décision de sortir la France de la gouvernance de la BCEAO est une question politique et de leadership qui ne dépend pas de la BCEAO et qui n’affecte pas la conduite de sa mission actuelle qui par ailleurs est insuffisamment comprise et contrôlée par les états et le grand public.

Le type de régime de change qu’il faut aux pays de l’UEMOA responsabilisés est un autre débat qu’on ne tiendra pas ici mais il n’est pas un arrimage sur l’euro. C’est un sujet qui ne relève pas non plus des attributions d’un Directeur National, ni même du Gouverneur de la BCEAO, bien que sous un autre type de gouvernance, l’Assemblée Nationale aurait pu entendre le Ministre des Finances ou le Gouverneur de la Banque du Sénégal sur les questions de fond. Ce dernier n’aurait pas non plus été un porte-parole du Gouverneur de la BCEAO mais un représentant indépendant de l’état du Sénégal dans une gouvernance nouvelle.

L’exigence démocratique vis-à-vis du public aujourd’hui devait être que le Gouverneur de la BCEAO, Président du Comité de Politique Monétaire, s’explique sur l’activisme de la BCEAO qui nous a valu des pertes en couverture de réserves de change. En effet, nous ne sommes plus à 5 mois d’importations comme les officiels de la BCEAO le disent depuis quelques semaines mais à 3.7 mois comme l’a déploré le FMI, la référence habituelle en crédibilité de la BCEAO.  Le meilleur service que la BCEAO peut nous rendre dans son régime actuel est effectivement de ne rien faire d’elle-même en matière de politique monétaire comme nous le titrions dans notre dernière contribution : «BCEAO : Retour à une hibernation salutaire”.

Nous nous réjouissions alors que la BCEAO ait mis un terme à son activisme soudain (décembre 2016 et mars 2017) sur ce qu’elle considère être ses instruments de politique monétaire (taux d’intérêts et réserves obligatoires) alors que dernière ses murs se menait une politique quantitative qui n’a pas servi les intérêts de l’union.  Les banques commerciales et des états bien informés s’en sont plaints. La transparence dans la politique monétaire aurait dû obliger la BCEAO à en parler dans ses communiqués car la doctrine «l’argent a horreur du bruit» n’est plus la doctrine des banques centrales modernes qui doivent fidèlement rendre compte au public de leur gestion.

Dans le dernier communiqué de politique monétaire publié le 7 Septembre 2017, la BCEAO nous dit qu’elle garde le statu quo sur ses taux d’intérêts directeurs et sur le taux de réserves obligatoires mais derrière ses murs, elle a changé sa politique comme nous l’avions expliqué.  Pour arrêter l’hémorragie en couverture de nos réserves de change et les reconstituer à moyen terme, elle contrôle à présent les quantités de liquidités qu’elle donne aux banques à son taux minimum directeur d’adjudications (plus bas que son taux marginal de prêt).  Les dernières statistiques monétaires montrent que l’encours de son guichet automatique et permanent de prêt est devenu nul mais le volume total de liquidité qu’elle fournit au marché est resté plus ou moins inchangé car à défaut les banques ne renouvelleraient pas les titres de certains états qui arriveraient à échéance.  De ce point de vue, la BCEAO est à la remorque des banques et de l’ajustement budgétaire des états mais devra réduire le volume de refinancement si les états ne s’ajustent pas ou si le rythme de reconstitution de ses réserves de change est insuffisant. La BCEAO est donc également à la remorque de ce dernier facteur, le plus important pour qu’elle accomplisse sa mission de garantir elle-même notre parité sur l’euro, et non la France.

Nous exhortons le Comité de Politique Monétaire de nous parler dans ses prochains communiqués (nous qui les lisons) de sa politique sur les volumes de refinancement, le niveau de réserves de change, et son objectif de reconstitution, ainsi que des explications qui les accompagnent. Les comptes rendus sur la conjoncture internationale, la croissance, le déficit budgétaire, et le taux d’inflation de l’union nous sont véritablement moins utiles et ne permettent pas de justifier clairement le statu quo sur les instruments notés.

Dr Abdourahmane SARR 
Président du CEFDEL/MRLD

 
17/09/2017

Leçons d’un Scrutin

Le MRLD comme entité indépendante a porté les idées du Centre d’Etudes pour le Financement du Développement local aux élections législatives de juillet 2017. La participation des entités indépendantes aux joutes électorales a été consacrée par la constitution du Sénégal approuvée par référendum en Mars 2016. Parmi 47 listes en compétition, il y en avait que 2 indépendantes. Ce nombre inédit de listes n’a pas aidé à la bonne transmission des messages mais une lecture claire peut être faite des résultats.

Les électeurs sénégalais se sont exprimés. Les élections législatives sénégalaises mettaient en compétition quatre groupes éclatés en 47 listes : (i) le pouvoir et tous ceux qui soutiennent le pouvoir (ii) les frustrés du pouvoir qui ont élu le pouvoir, étaient avec le pouvoir, ont un pied dans le pouvoir et un autre en dehors du pouvoir pour préparer l’avenir (iii) l’opposition qui était hier au pouvoir et qui tenait son congrès lors de cette élection pour légitimer celui qui devra hériter du PDS et organiser l’opposition (iv) enfin les alternatives et tous ceux qui ont à cœur de défendre des causes particulières au nom du peuple sénégalais. Nous avions donc le pouvoir, les frustrés du pouvoir, l’opposition, et les alternatives.

Malgré les imperfections du scrutin, le peuple a clairement tranché. Il a réglé le différend entre le pouvoir et les frustrés du pouvoir qui devront se consolider en un seul bloc, la coalition au pouvoir autour du Président Macky SALL. Le peuple a également légitimé le Président Abdoulaye Wade comme leader du PDS et chef de l’opposition.  Le peuple n’a pas entendu les alternatives et/ou les a rejetées. Le peuple s’est donc prononcé, la coalition au pouvoir a mandat de poursuivre son programme.

Nous disions qu’il y avait deux voies pour mener le Sénégal vers l’émergence : (i) être condamné à choisir une voie avec un Plan Sénégal Emergent fédérateur mené par l’état ou (ii) réorganiser la gouvernance du pays pour faire en sorte que chaque sénégalais ou groupe de sénégalais dans leurs localités puissent réaliser leurs propres plans dont la somme ferait un Sénégal émergent.

La deuxième option qui est bien possible nécessite une politique monétaire autonome, l’inclusion financière de toute la population pour lui permettre de financer ses plans et sa responsabilisation dans l’économie et dans les services publics de santé et d’éducation et au niveau local. Il se trouve que le peuple n’est pas prêt pour une réforme monétaire et ne peut pas comprendre les réformes nécessaires à la prise en main de son propre destin par son inclusion financière et sa responsabilisation. Il n’en a pas la patience et n’y est pas disposé au vu de la précarité dans laquelle il se trouve. Ses dirigeants qui comprennent ont quant à eux choisi le statu quo du leadership d’un état protecteur sans autonomie monétaire. Quelle en est la cause ? Difficile à dire.

On nous apprend en leadership que le pouvoir s’exerce sur un peuple opprimé de 3 façons. La première plus simple est que l’oppresseur impose sa loi à l’opprimé. La deuxième est que l’opprimé par peur des représailles de l’oppresseur s’autocensure et n’exprime pas sa volonté d’émancipation. La troisième est que l’opprimé rationalise le statu quo et le présente comme la meilleure option par rapport aux alternatives. Dans quel cas de figure sommes-nous en ce qui concerne notre nécessaire réforme monétaire et le mariage malheureux entre le peuple et sa classe politique ? Nous pensons que nous sommes dans le troisième cas de figure. Le peuple et ses dirigeants préfèrent le statu quo car plus stable et ont décidé de s’unir autour d’un plan fédérateur vers l’émergence sous l’aile protectrice de l’état.

On nous apprend également que certains remèdes de guérison ne peuvent être administrés sans la collaboration du patient. De ce point de vue aussi, le patient sénégalais a démontré qu’il veut progressivement faire le chemin de son développement sous le leadership de l’état et de sa classe politique.

En ce qui nous concerne, nous sommes allés seuls aux élections législatives comme entité indépendante sponsorisée par plus de 32 000 sénégalais pour présenter au peuple l’alternative à un plan de l’état. Notre message n’a pas été entendu. Nous continuerons à lui donner de la voix dans un autre cadre pour que le peuple et sa classe politique lui prête une oreille attentive car elle est l’alternative à ce que nous faisons depuis 57 ans.

Vive la Démocratie
Vive le Sénégal

Dr. Abdourahmane SARR 
Président du CEFDEL/MRLD 
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

BCEAO: Retour à une hibernation salutaire

A la veille des élections législatives, nous bouclons avec cet article, une serie de contributions sur la gestion monétaire dans notre espace économique. Ces contributions étaient dirigées vers une certaines cibles en mesure d’absorber la matière afin de la conscientiser et justifier l’importance que nous accordons à cette question monétaire. Elle est à la fois technique et politique et sa non maitrise est l’une des principales cause de notre sous développement. Il est temps que les élus se saisissent de cette question, le Président de la République nous ayant dit qu il ne maitrisait pas le sujet et attendait des propositions.

La BCEAO, au sortir de sa réunion de politique monétaire du 7 juin, est revenue à son statu quo habituel sur ce qu’elle considère être ses principaux instruments de politique monétaire. Il s’ agit de ses taux d’intérêts et du taux de réserves obligatoires des banques. Comme nous l’avons expliqué dans nos deux dernières contributions sur le sujet, aucun de ces deux instruments n’a d’incidence déterminante sur les conditions du marché financier. Pour le taux d’ intérêt, c’est parce que le système bancaire dans son ensemble ainsi que pour les banques les plus importantes, ne dépend pas de la banque centrale pour la liquidite qu’il prête. Pour le taux de réserves obligatoires, c’est parce que les banques (dans leur ensemble) detiennent des dépôts à la banque centrale bien au dessus du minimum exigé rendant inutiles les projections de liquidité que fait la BCEAO pour décider de ses injections. Ces excédents de liquidité pour la plupart des banques sont aujourd’hui la contrepartie de fonds investis dans des titres d’états que la BCEAO a refinancés pour les banques à ses guichets. La BCEAO n’ avait pas touché à ces instruments durant des années avant d’ opérer des changements ces deux derniers trimestres, mais en pratique pour des raisons autres que de politique monétaire régionale. Nous l’ avons expliqué dans nos deux précédentes contributions.

Par ailleurs, la politique monétaire de la BCEAO n’a pas d’emprise véritable sur le taux d’inflation en zone UEMOA qui dépend de la production agricole et des prix des produits importés. Un statu quo permanent sur les instruments de politique monétaire de la BCEAO n’aurait donc pas d’incidence majeure sur l’inflaiton et la situation financière de l’UEMOA malgré la réthorique des communiqués de politique monétaire. La question est plutôt de savoir si nous nous satisfaisons de cette réalité afin d’éviter un activitisme qui peut nous être nuisible comme ça a été le cas récemment avec nos pertes de réserves de change décriées par le FMI du fait de la politique de la BCEAO vis-à-vis des états.

En effet, pour corriger ses erreurs, la BCEAO a pris des mesures qui ne sont pas mises en exergue dans les communiqués du comité de politique monétaire mais qui ont un impact sur le marché financier. Elle a décidé d’instituer un plafond de refinancement par banque égal à 2 fois leurs fonds propres à ses guichets.  Après avoir permis pendant plusieurs années aux banques de refinancer chez elle des titres d’états achetés avec leurs excédents de liquidités, elle vient de fermer ce robinet qui nous a fait perdre beaucoup de réserves de change. Effectivement, dans le contexte d’un FCFA trop fort et arrimé à l’ euro, la planche à billet quelle que soit sa forme ne peut que se traduire en des fuites de devises. La BCEAO a mené cette politique, d’une part pour sa propre politique commerciale nous l’avons expliqué, et d’ autre part pour accommoder le financement de déficits budgetaires excessifs de certains états de l’UEMOA. Nos états vont devoir à présent se faire concurrence sur un marché financier devenu plus étroit, à des taux plus élevés, évincer le secteur privé, ou émettre des titres en devises sur le marché international avec les vulnérabilités de change qui en découlent.  A défaut, il faudra comme d’habitude ajuster les déficits budgétaires avec les effets d’austérité que cela implique.

L’ instrument principal de politique monétaire de la BCEAO est donc devenu son volume de refinancement à la place de ses taux d’ intérêt afin d’ arrêter l’hémorragie de réserves de change qu’elle a créée.  Tous les experts en la matière savent qu’une banque centrale ne peut contrôler à la fois ses prix (taux d’ intérêts) et ses quantités (le refinancement). Soit elle donne toute la liquidité que les banques veulent au taux qu’ elle choisit, ou elle fixe un volume de refinancement et observe le taux du marché qui en découle. La BCEAO a choisi la deuxième option à juste titre pour corriger ses erreurs mais semble vouloir nous expliquer dans ses communiqués qu’elle contrôle également les taux d’intérêts du marché, ce qui ne peut être le cas. Il faut cependant noter que même le volume de refinancement de la BCEAO n’est pas contraignant pour les banques qui au besoin peuvent obtenir de la liquidité de l’extérieur de l’union, notamment les banques françaises, pour financer leurs activités.

Ce changement fondamental de politique n’est pas mentionné dans le communiqué du comité de politique monétaire mais ramène la BCEAO à une neutralité salutaire:  ne toucher qu’exceptionnellement à ses taux de réserves obligatoires ainsi que ses taux d’intérêt à moins que la banque centrale européenne ne touche les siens, et ne pas verser dans l’activisme de financement des déficits budgétaires des états pour éviter de nous faire perdre nos réserves de change à nouveau.  L’ alternative à cette condamnation à l’inaction est de réformer le régime du FCFA pour que la BCEAO puisse mener une politique monétaire active et efficace. A défaut, le statu quo est préférable et c’est de ce point de vue que nous avons titré cet article: retour à une hibernation salutaire.

Nous souhaitons de tous nos voeux que les élus de l’UEMOA donnent à la BCEAO une autonomie d’objectif sur notre régime de change pour accompagner son autonomie sur ses instruments.  En effet, son autonomie sur les instruments lui est actuellement inutile du point de vue de la politique monétaire et leur utilisation peut même créer des distorsions non intentionnelles.  Nous voulons que la BCEAO puisse décider du régime de change et du taux de change en zone UEMOA et qu’elle puisse sortir ses réserves de change du trésor français pour devenir une vraie banque centrale de l’UEMOA. Les populations le méritent ainsi que le staff de la BCEAO.

Dr. Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD

Président Macky Sall: Sommes nous désormais libres?

D’une position en 2015 que notre pays avait comme principal défi celui de «gagner son indépendance économique en nous libérant de l’aide et de la dépendance extérieure pour tout ce que nous pouvons produire par nous-mêmes», le Président de la République nous dit en 2017 que notre liberté est entre nos mains. Est-ce vraiment le cas? Qu’est-ce qui a changé? Nous exhortons le Président de la République à revoir sa définition de la liberté et de la souveraineté économique. Elle n’est ni l’autosuffisance alimentaire ni la souveraineté budgétaire.

La vision de la liberté du Président Macky Sall de 2015 semblait être celle d’une souveraineté budgétaire pour la mise en œuvre du plan Sénégal émergent qui est un plan de développement à exécuter par une administration moteur du développement par des choix assumés. Sur le plan économique, cette vision reposait principalement sur l’autosuffisance alimentaire (riz en particulier) et l’accompagnement du développement agricole financé par le budget de l’état.  Il se rend compte peut être au fur et à mesure que cette vision n’est pas la bonne et que sa vision d’origine qui est celle d’un Sénégal inclusif et solidaire est ce que le gouvernement est en mesure de réaliser. Cette vision mise en œuvre dans le cadre de programmes sociaux et d’une culture de gestion axée sur les résultats est bonne pour notre contexte. Elle était celle du programme Yonu Yokuté et celle de la déclaration de politique générale de Madame Aminata Touré qui est en train d’être bien mise en œuvre dans le cadre du PUDC et de finances publiques en ajustement. Ce n’est pas un plan de développement, mais un bon programme social.

La vision de transformation structurelle du PSE par le PRACAS et l’agriculture est quant-à-elle inopérante et inadaptée à notre contexte économique et celui de nos ruraux qui ne sont pas insérés dans l’économie moderne. Les domaines communautaires agricoles ne changeront pas cette donne. Le programme du PSE dans le domaine de l’agriculture est un programme social. En effet, la croissance tirée par l’agriculture en 2015 du fait des ressources publiques a été éphémère. Il a fallu un environnement international favorable et l’apport difficilement croyable du secteur des services pour maintenir la croissance projetée en 2016.  Notre transformation structurelle passera d’abord par une réforme monétaire, la maîtrise de notre système financier pour l’inclusion financière de nos petites entreprises et par là, la création d’emplois dans le secteur industriel et des services par le secteur privé national informel et moderne.  Les emplois libérés par l’agriculture de subsistance du fait d’une agriculture moderne et productive devront être absorbés dans ces secteurs. Cette agriculture moderne nous sera impossible sans une réforme foncière et l’investissement du privé moderne dans l’agriculture. Ces conditions ne sont pas en place, ce qui fait que le développement du secteur privé ne sera pas une affaire de projets dans des secteurs stratégiques en cours de mise en œuvre dans les différentes régions du pays.

Sur le plan budgétaire avons-nous atteint la souveraineté en nous libérant de l’aide? Notre déficit budgétaire est toujours essentiellement financé de l’extérieur, mais en anticipant analytiquement sur les ressources pétrolières à venir, on peut dire que nous allons atteindre une souveraineté budgétaire, ressources pétrolières incluses.  Ayant été silencieux sur l’agriculture en nous annonçons que nous sommes désormais libres, devons-nous supposer que le Président de la République ne mise plus sur les priorités actuelles du PSE dans le domaine de l’agriculture pour la transformation structurelle? Son Ministre de l’Agriculture l’a admis, ce n’est pas l’état qui «doit atteindre l’autosuffisance en riz mais les acteurs du secteur».  Il se trouve que ces acteurs ne devraient pas en faire un objectif car les conditions économiques du Sénégal rendent cet objectif impertinent à moins qu’on n’y consacre des ressources budgétaires démesurées. La souveraineté budgétaire est atteinte mais il ne faudrait pas la dilapider.

Qu’en est-il de la souveraineté économique de façon générale? Nous n’y sommes pas encore car nous devons d’abord changer de paradigme de gestion économique pour y arriver puisque notre administration actuelle ne peut pas être le moteur de notre émergence. Cette émergence ne sera pas le résultat planifié d’un pouvoir central, mais celle d’un développement local et individuel dont la responsabilité incombe au premier chef aux citoyens eux-mêmes et à leurs communautés qui doivent prendre leur destin en main. Les pouvoirs publics centraux pourront appuyer et accompagner ces efforts, notamment dans la santé et l’éducation, en mettant les conditions appropriées en place dont une politique de décentralisation autonomisante et responsabilisante. Cette politique devrait se bâtir autour d’un découpage territorial nouveau qui s’appuit sur des villes clés qui de par leur urbanisation pourront alimenter la demande pour une production locale possible et nous aider à faire des économies d’échelle dans nos investissements en infrastructures.  Ceci n’empêcherait pas la poursuite des programmes sociaux en faveur du monde rural, y compris par l’agriculture.

Bonne fête de l’indépendance

Dr. Abdourahmane SARR
Président du CEFDEL/MRLD